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Laure Debreuil

La justice : un domaine complexe ; elle a un endroit et parfois un envers…façon de dire que l’on peut parfois parler de justice autrement et raconter ce que l’on ne peut pas voir à la télévision. Les caméras sont rarement les bienvenues dans les prétoires. C’est parfois frustrant. Voila pourquoi, par ces chroniques, je souhaite restituer l’atmosphère, les informations ou les à-côtés des procès que je suis pour la rédaction de TF1.

 

 

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29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 17:14

Il y aura bien un procès devant les assises de Bourg-en-Bresse des deux responsables présumés du meurtre du petit Valentin.

Le 28 juillet 2008, Valentin Crémault, 11 ans, avait été sauvagement assassiné alors qu'il faisait du vélo dans les rues de son village de Lagnieu dans l'Ain.

L'enquête s'orientait assez vite vers un couple de marginaux qui avait loué un gîte paroissial. Le couple sera arrêté en Ardèche. Stéphane Moitoiret et sa compagne Noella Hégo, âgés respectivement de 39 et 48 ans, étaient interpellés et écroués.

Depuis, de nombreuses expertises ont eu lieu pour déterminer si ces deux personnes accusées de meurtre et de complicité étaient aptes à comparaître devant la justice. En ce qui concerne Noella, les psychiatres ont été  unanimes pour dire qu'il y avait peut-être une altération de son discernement au moment des faits, mais qu'elle pouvait être considérée comme responsable de ses actes. En revanche, le cas Moitoiret est plus complexe. "Plusieurs collèges d'experts se sont penchés sur son cas. Certains parlent d'altération, d'autres d'abolition du discernement. Le dernier collège de cinq experts n'a pu se mettre d'accord et demandait de nouvelles confrontations. Je regrette que cela n'ait pas pu être fait", déclare Me Pierre Pilloud, l'avocat de Stéphane Moitoiret.

Quant à l'avocat de la famille du petit Valentin, Me Jacques Frémion, joint hier au téléphone, il disait vouloir absolument la présence du meurtrier présumé devant la justice : "J'ai toujours dit que c'est un jury populaire qui devait le déclarer responsable ou non".

Le procès nécessitera l'aménagement d'une salle d'assises spéciale, celle utilisée habituellement à Bourg-en-Bresse étant trop petite. En conséquence, le procès qui devait se tenir fin 2011 sera peut être repoussé début 2012. 

L'avocat de Stéphane Moitoiret a précisé que son client était détenu dans une unité spéciale qui accueille les prisonniers atteints de graves troubles psychiatriques.

Les deux accusés risquent la réclusion à perpétuité, Stéphane Moitoiret pouvant même écoper de la perpétuité réelle puisque qu'il y a eu meurtre sur enfant de moins de 15 ans accompagné d'actes de barbarie.

 

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29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 16:09

C’est fini. Il n’y a plus d’affaire Leprince.

Il y a un homme, Dany Leprince, condamné à perpétuité pour le quadruple meurtre de son frère, de sa belle sœur et de leurs deux enfants à Thorigné-sur-Dué dans la Sarthe. Un homme qui avait avoué en garde à vue, s’était rétracté, et qui depuis clame son innocence.

La justice vient de refermer le dernier espoir de revisiter cette affaire sereinement. En effet, le ministère de la justice avait demandé au Parquet général d’Angers d’examiner à nouveau le dossier pour voir s’il méritait un nouveau regard. Compte tenu de tous les éléments de doute rassemblés lors de la demande de révision, il était juridiquement possible qu’une troisième cour d’assises se penche sur cette horrible affaire.

Mais le communiqué est tombé sèchement ce matin : « L’examen attentif et impartial de l’ensemble de la procédure ne rend pas compte de la participation d’un tiers à un ou plusieurs des actes homicides. Il ne justifie pas en outre que des investigations soient entreprises à cette fin. »

Rappelons, fait exceptionnel, que Dany Leprince avait été libéré en juillet 2010 après 16 ans de prison par la commission de révision. Des indices troublants incitaient même le parquet général de la cour de cassation à demander un nouveau procès. Parmi eux, une déclaration de Martine Compain à un expert psychiatre : « Je me demande si je n’ai pas fait quelque chose. J’ai peut-être tué quelqu’un », déclaration confirmée devant un magistrat.

Lorsque la chambre criminelle de la cour de cassation avait refusé le 6 avril dernier à Dany Leprince la révision de sa condamnation, cet homme libre, remarié à une femme médecin, avait dû repartir menottes aux poignets. « Un acte d’une cruauté inimaginable » avait dit d’une voix gonflée par l’émotion son avocat, maître Yves Baudelot.

Il ne reste plus à Dany Leprince que l’espoir d’une grâce présidentielle. Un espoir bien mince en ces temps de campagne électorale.

 

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28 juin 2011 2 28 /06 /juin /2011 10:20

"Accusé, levez-vous !  Vos nom, prénom, domicile, date de naissance …Vous avez donc 16 ans, bientôt  17 ? Vol de scooter. Vous reconnaissez les faits ? Oui, vous avez déjà été condamné pour un vol dans un super marché il y a 18 mois. C’est bien cela ?" dit le juge en regardant sévèrement le jeune homme à la barre.

Un petit « oui, m’sieur le juge » s’échappe de la bouche de l’adolescent, visiblement mal à l’aise.

Puis le juge se tourne vers ses deux jurés assesseurs : « vous êtes d’accord, cela mérite la prison ferme ! » Les jurés semblent d’accord. « Trois mois fermes ! » énonce le juge en refermant le dossier. Au suivant !

Est-ce la sévérité dont la justice a besoin pour rendre notre société plus sûre ? L'Assemblée Nationale vote aujourd'hui la réforme de la justice des mineurs : doit-elle mener systématiquement vers le pénitencier, les camps de redressement, l’encadrement des jeunes délinquants par des militaires ou la prison au milieu de détenus majeurs ?

Ou bien doit-on continuer à privilégier une approche différente ? Aujourd’hui, la procédure prévoit qu’un éducateur détaché auprès du tribunal étudie la situation et la personnalité du mineur pour permettre au juge de prendre la décision la plus adaptée. C'est-à-dire que, dès le départ, c’est un spécialiste de la délinquance juvénile qui se penche sur le jeune. Il sait que le juge peut proposer une gamme de sanctions qui va de la réparation pénale (sorte de travail d’intérêt général) au placement dans une « unité éducative d’activité » de jour, un établissement  éducatif fermé (EPE), un placement en famille d’accueil, en centre éducatif fermé, ou en prison. Ce choix  délicat est déterminant pour l’avenir. D’ailleurs, soyons juste, la nouvelle loi prévoit d’établir un DUP, un Dossier Unique de Personnalité, qui doit permettre de réunir toutes les informations sur l’environnement social et familial ainsi que sur le parcours pénal du mineur, ce qui va dans le bon sens.

Pour le juge, aucune sanction n’est exclue à priori. Mais le but à atteindre est clairement affiché : que ce jeune n’ait plus jamais affaire à la justice. C’est une philosophie,  née des répercussions de la guerre : cette période avait fait de certains jeunes des « bêtes sauvages ». Ce regard bienveillant porte ses fruits : par exemple, 33.000 mineurs accomplissent chaque leur peine sous forme d’aide ou de réparation au bénéfice de la victime durant trois à quatre mois : 65% d’entre eux ne récidivent pas.

Pas d’angélisme non plus. Les centres éducatifs fermés répondent au traitement de la  frange de jeunes délinquants violents. Mais précisément ces jeunes, il faut les re-structurer, les re-scolariser, les re-socialiser. C’est un lieu dur qui ne convient pas à tous. Des adolescents s’y sont suicidés. Ils ont beau être physiquement grands et costauds, ils sont également fragiles, avec des histoires familiales compliquées.

Pourquoi ne pas entendre les spécialistes de ces questions ? Pourquoi ne pas donner à la PJJ, la Protection Judiciaire de la Jeunesse des moyens supplémentaires pour l’exécution des peines ? On sait que des expériences visant à faire mûrir les jeunes : creuser un puits dans un village africain, rénover un vieux château, servir aux restos du cœur procurent plus de bénéfices pour notre société que la prison.

Alors, vraiment, non  à l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans au lieu de 18. Gardons le cap de l’humanisme dans le regard que nous portons sur les jeunes délinquants.  Tout en appliquant des réponses fermes si nécessaire.

 

 

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23 juin 2011 4 23 /06 /juin /2011 12:45

L’affiche était belle. Dans le palais de justice de Paris, la grande plate-forme des chambres correctionnelles bruissait du va-et-vient des très nombreuses caméras de télévision. La presse étrangère, notamment anglo-saxonne, était très largement représentée. La presse people aussi. Les photographes nerveux ne voulaient pas rater l’arrivée du créateur si contesté.

Dans la salle d’audience, la tribune de gauche, habituellement celle des accusés, était réservée à la presse. J’étais du coup assise à un mètre de John Galliano, introduit en douceur jusqu’à sa place. Passons les débuts chaotiques du procès avec une interprète incapable de comprendre l’accent du prévenu, si bien que ce sera son avocat qui s’y collera.

John Galliano est maintenant debout à la barre. Des cheveux longs, vaguement blonds, une petite taille, un visage volontaire, des yeux intelligents et sa fameuse petite moustache. Une boucle d’oreille raffinée à gauche donne à son visage fatigué un petit éclat. Il n’en mène pas large ; l’idole déchue de la haute couture doit assumer son comportement : 45 minutes d’insultes dont certaines à caractère raciste et antisémite au bar de la Perle (Paris 3ème art) en octobre 2010 et le 26 février dernier.

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Le vin triste, le vin mauvais. L’ivresse du malheur et de la solitude. « Je ne me souviens pas très bien. Je n’ai en tous cas aucun souvenir d’insultes antisémites, ni comment cela a dégénéré. J’avais une triple dépendance aux barbituriques, aux somnifères et à l’alcool. Je rentre d’une cure de deux mois en Arizona, puis en Suisse ; je continue à me soigner », avoue-t-il en regardant le plancher.

Depuis quand ? demande la présidente : « Depuis 2007. Le problème d’alcool a commencé après chaque euphorie créative ; pour gérer la pression, je buvais. Au moment de la crise financière, j’avais deux enfants : Dior et ma marque personnelle. Dior est une grosse machine et je ne voulais pas perdre ma société. J’ai signé, pour tenir, beaucoup de contrats : pour des collections homme, femme, enfant mais aussi bijoux, accessoires, maillots de bains, sous-vêtements. Une charge de travail très lourde et juste à ce moment-là mon ami Steven est mort. Je n’ai pas eu le temps de le pleurer ; le lendemain matin j’étais au studio.  Après sa mort, je suis resté sans protection. J’ai commencé à avoir des « panic attacks », des crises d’anxiété. Je prenais de plus en plus de médicaments et autres. J’étais dans le déni complet. Je suis toujours en convalescence mais je me sens mieux. » Par cette confession, John Galliano désamorce le conflit avec ses malheureux voisins de bar.

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Ils racontent leur mésaventure : « j’ai subi des insultes gratuites pendant 45 minutes et je n’avais pas envie de partir sous prétexte que ce monsieur était un monsieur important protégé par le patron et les serveurs. Oui moi aussi je lui ai répondu sur le même ton. Et j’ai bien entendu « Ugly jewish face ! jewish cunt ! Nous avons été un défouloir, ça été l’enfer ! » explique Géraldine B. Son compagnon confirme en mode mineur les insultes mais n’a pas le souvenir d’avoir été visé pour son apparence vaguement asiatique.

Des insultes racistes qui ne seront pas entendues par les autres témoins cités. Des insultes proférées à voix basses par un homme manifestement ivre attestent les voisins de table…

Une vidéo, mise en ligne sur le site internet du tabloïd anglais The Sun est ensuite projetée à l’audience. Une vidéo accablante prise en décembre 2010 ou on voit le styliste vociférer : « j’adore Hitler…vous devriez être morte gazée ! »

Réaction de John Galliano à l’audience : je m’excuse, je suis désolé de ne pas avoir de souvenirs de ces faits…Ce sont des opinions que je n’ai jamais eues. Cet homme, c’est une coquille vide, ce n’est pas moi. » Dans son costume sombre à l'élégance rehaussée par une cravate à pois portée sans chemise, il paraît désemparé.

Après les plaidoiries, l’ancien couturier de la maison Dior a présenté ses excuses aux victimes et ajouté : « j’ai toujours condamné le racisme et l’antisémitisme qui n’ont aucune place dans notre société ».

Il est dix heures du soir. Beaucoup de bruit pour une querelle d’ivrogne… qui a déjà coûté très cher à John Galliano puisqu’il a été licencié par Dior et débarqué de sa propre société.

Le procureur (Anne de Fontette) a requis à son encontre au moins 10.000 euros d’amende. Le délibéré a été fixé au 8 septembre.

 

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20 juin 2011 1 20 /06 /juin /2011 12:35

Curieuse ambiance dans la salle de la cour d’assises ce matin. Plus une place  sur les bancs du public ou de la presse. La jeune épouse d’Yvan Colonna est assise au deuxième rang. Visage en amande, longs cheveux noirs, elle guette l’entrée de son mari. Yvan Colonna apparaît, souriant, en T-shirt blanc à manches longues. Il lui fait un signe de la main et un grand sourire.

A 10h15, il fait déjà très chaud lorsque la cour « spécialement composée », c'est-à-dire composée uniquement de magistrats professionnels, rend son arrêt sur le sujet de savoir si de nouvelles questions pouvaient être introduites en plus de celle prévues en conclusion de l’ordonnance de mise en accusation. Les avocats de la défense voulaient que la cour dise précisément si les déclarations des membres du commando et de leurs épouses constituent des preuves probantes ou non. Demande rejetée.

10h30, l’heure des derniers mots pour Yvan Colonna.

« J’ai le temps ? » dit-il en regardant le président. La voix est nouée par l’émotion. Puis il se lance :

« Je vous dirai qu’en 99 ma vie a basculé. Je me suis retrouvé dans une situation très difficile. Je ne peux pas expliquer pourquoi j’ai pris du recul. C’est un non-choix, pas un choix politique. Je me suis fait arrêter. J’en suis à huit ans de prison pour un crime que je n’ai pas commis. Ces huit ans m’ont profondément changé, vis-à-vis de ma famille, de mes proches ; ma mère, cela fait cinq ans que je ne l’ai pas vue. Mon fils, qui est dans la salle, cela fait sept mois que je l’ai pas vu. Je ne lui en veux pas. La prison, cela détruit les rapports humains.

"Dans quelques minutes, vous allez vous retirer pour délibérer. Comme mes avocats, j’ai peur moi aussi ; je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie.

"Je suis innocent, je l’ai toujours dit depuis 12 ans. J’ai des convictions, cela ne fait pas de moi un assassin. Vous savez ce qu’était ma vie avant la prison. Cela prouve que j’ai toujours eu le respect de la vie. Quand j’étais militant et que deux trafiquants de drogue ont été assassinés, je n’étais pas d’accord. J’ai toujours eu cette conduite-là. J’étais pompier, j’ai sauvé des gens. J’étais l’été maitre nageur, j’ai sauvé des gens. Les policiers sont arrivés à faire de moi un coupable. Je n’ai jamais tué, ni même imaginé tuer quelqu’un. Je n’ai pas fait ça ; ce n’est pas moi, les gens qui me connaissent le savent. Je vous demande de me croire, je suis innocent."

Puis Yvan Colonna, martèle du point le bord en bois du box des accusés.

« Je suis fatigué, fatigué, fatigué... » avant de s'asseoir la tête dans les mains.

Le président de la cour se met alors à lire les questions auxquelles les juges devront répondre.

Les questions 1 à 32 concernent l’attentat contre la caserne de Pietrosella.

La question 33 est cruciale : est-ce qu’Yvan Colonna a donné volontairement la mort à Claude Erignac ? Question 34 : avec préméditation ? Question 35 : avec des circonstances aggravantes ? Question 36 : une action en relation avec un groupement terroriste ?

Mais le plus important ce soir est que la cour rendra un arrêt motivé. Acquittement ou condamnation, on saura quel a été le cheminement intellectuel des juges, et comment ils se sont forgés leur conviction, dans un texte qui sera prononcé lors de la lecture de l’arrêt.

Cette motivation anticipe sur la loi qui sera votée ces jours-ci par le parlement et qui prévoit une telle disposition.

Le verdict est attentu en fin de journée.

 

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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 14:32

« Je vous demande de vous rappeler que vous n’êtes pas là pour apaiser la douleur d’une famille, je vous demande de vous rappeler que vous n’êtes pas là pour faire plaisir à ceux qui croient à l’innocence ou à la culpabilité d’Yvan Colonna, je vous demande de ne pas cautionner ce qui ne peut pas l’être. J’espère que vous serez des juges courageux, qui laisseront place au doute, je vous demande d’être des vrais juges ! ». Ainsi s’est terminée la plaidoirie de près de trois heures de Maitre Gilles Siméoni, très investi dans la défense d’Yvan Colonna depuis le début.

Selon lui, les fautes et les errements de l’enquête, reconnus par l’avocat général, ont fait que ce dossier n’a jamais été un dossier normal. L’avocat s’est longuement appliqué à démontrer que la téléphonie, les écoutes, les repérages ne sont pas à charge pour le berger corse. Tout démontre au contraire, selon lui, qu’Yvan Colonna, entre l’assassinat du préfet Erignac et l’arrestation du commando, a mené une vie familiale et professionnelle normale. Il ne se sentait pas traqué, il n’était pas l’un des conjurés.

« Je vais vous dire qu’Yvan Colonna est innocent. » L’avocat articule son raisonnement autour de trois piliers. D’abord, tente-il de démontrer, la police suspectait depuis longtemps Yvan et son frère Stéphane d’appartenir à un groupe nationaliste actif. Elle les a mis sur écoute, a placé des balises sous leur voiture, mis des policiers en surveillance. La police avait la conviction qu’Yvan était le tireur. Les gardes à vue du commando se sont déroulées dans ce climat. Ensuite, les gardes à vue se sont passées sous forte pression. Enfin, les gardes à vue n’étaient pas « étanches ». Les policiers se sont servis des déclarations des uns pour faire parler les autres. Les gardes à vue ne peuvent donc servir de preuves.

Nous sommes là sur le terrain le plus sensible, car les déclarations des membres du commando et de leurs épouses sont les éléments principaux sur lesquels se fonde l’accusation, en l’absence de preuves matérielles.

« On peut sacraliser la parole de l’accusation ; on peut aussi regarder les contradictions du dossier » plaide Gilles Siméoni. Il va s’attacher à revisiter la scène de crime. Tous les témoignages confirment qu’il n’y avait que deux personnes et non trois en embuscade, dit-il pour démontrer qu’Yvan Colonna n’était pas présent mais bien ce soir là dans son village de Cargèse.

Les juges attentifs prenaient des notes. Le climat est à l’apaisement, tandis que les défenseurs d’Yvan Colonna vont continuer jusqu’en fin de journée de faire passer les doutes et les zones d’ombres qui continuent d’entourer cette affaire.

Verdict prévu lundi en fin de journée.

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9 juin 2011 4 09 /06 /juin /2011 17:45

Est-ce qu'un animal dit sauvage, élevé par un humain, peut être considéré comme un animal domestique ? ou est-ce qu'au contraire un animal sauvage reste éternellement dans cette catégorie, potentiellement dangereux pour ses maîtres ou pour les autres humains?

Question philosophique et illustration concrète avec cette convocation au tribunal de Grande Instance de Périgueux. La fautive est Evelyne Cornu, une agricultrice de 42 ans. Cette femme a un coeur gros comme ça, et quand, il y a onze ans, elle voit un petit marcassin errer près de chez elle, elle le recueille. La mère de l'animal vient d'être tuée par une voiture. Elle devient la mère de substitution du marcassin, l'élève au biberon et lui sauve la vie. Cela crée des liens, et l'animal, parqué dans un enclos d'une centaine de mètres carrés, coule des jours heureux. C'est une laie adulte aujourd'hui, et la justice n'apprécie pas qu'elle soit traitée comme un âne. Un sanglier est, selon la définition juridique, un animal sauvage : la fautive a été condamnée à 200 euros d'amende et la saisie de l'animal a été demandée.

Dur, dur : la propriétaire de Mimine ne veut pas se séparer de son animal fétiche qui ne connaît qu'elle et qui est inapte à la vie en forêt: "ce sanglier, je l'ai élevé, j'y suis attachée"  a-t-elle expliqué.

Une vague de protestations et de mobilisation s'est créée autour de l'habitante de Veyrines-de-Vergt. On en vient à craindre l'émeute si la maréchaussée venait se saisir de l'animal.

Au fait, les juges n'ont-ils pas trouvé dans les articles du code pénal de quoi adoucir le sort de Mimine ?

On voudrait le croire...

 

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7 juin 2011 2 07 /06 /juin /2011 18:21

Serge Portelli est vice-président au Tribunal de Grande Instance de Paris. Durant la semaine, il tente de faire son travail au mieux en naviguant entre le nombre d'affaires qu'on lui demande d'examiner et le temps qu'il entend consacrer à chaque cas. Le reste du temps, il réfléchit à son métier de juge au sein d’une société bousculée par la montée de la délinquance et par les réponses qu’il estime simplistes, voire dangereuses, des politiques.

000 Par2909556Dans son livre « Juger » aux éditions de l’Atelier, Serge Portelli rappelle la lente évolution de la fonction de juge, de l’Ancien Régime, à la société du 19ème siècle, jusqu’à la guerre. Il montre que la nécessaire indépendance du juge porte désormais la marque au fer rouge des totalitarismes.  Le nazisme fut la négation du droit et donc de la protection de l’individu contre l’arbitraire. La justice de Vichy conduisait à envoyer des prévenus à la mort non en raison de leurs actes délictueux mais de leur appartenance à une « race » ou à une religion indésirable. Au nom du code pénal.


 Après la guerre, les survivants ont tenté d’identifier les principes qui devaient conduire à une justice digne de ce nom : « Il a fallu que se crée au sein de la justice une nouvelle culture susceptible de la détacher de la soumission ancestrale ». Et l’auteur de rappeler l'évolution qui a amené à la création du Conseil supérieur de la Magistrature et à l’ouverture de l’Ecole Nationale de la Magistrature. Par ailleurs, il souligne l’importance des mouvements de contestation qui ont amené les magistrats eux-mêmes à s’organiser : création du Syndicat de la Magistrature et de l’Union Syndicale des Magistrats. Une volonté collective qui devait sanctifier la fonction du juge, gardien des libertés. « Cette approche est toujours un combat. Une lutte sans fin. Les libertés sont jalouses et orgueilleuses. Elles reculent dès lors qu’on cesse de se battre pour elles » professe l’auteur qui voit une autre conception du métier de juge prendre le pas.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, et la nomination de Rachida Dati à la Chancellerie, il dit assister à une mise en coupe réglée des procureurs relégués à la fonction de courroie de transmission de la politique pénale du gouvernement. Quant aux juges du siège, ils doivent appliquer un code pénal aux peines quasi automatiques. Des juges « presse-boutons » qui délivrent une sentence inscrite dans les textes, des mois ou années de prison automatiquement doublés en cas de récidive : « Le principal danger, le plus insidieux, le plus lourd de maladies mortelles pour la démocratie est le sécuritarisme ». C’est au nom de la « tolérance zéro » analyse Serge Portelli qu’on punit un accusé sans s’attacher à savoir qui il est et dans quelles circonstances les faits se sont produits. Il faut une vraie indépendance d’esprit pour contester une enquête de police, il faut du temps pour juger avec humanisme dit l’auteur. Non, le juge n’est pas un maillon de la chaîne pénale, il ne gère pas des flux mais des hommes.

La démonstration de ce juge expérimenté se termine par une réflexion sur le type de justice que nous voulons : une justice qui sanctionne et aussi une justice qui répare et prépare un futur meilleur. Pas d’angélisme dans ce propos. Pas de solution toute faite pour les très grands criminels. Juste l’idée que dans une société complexe, la réponse pénale ne peut pas être technique. Les droits de l’Homme doivent guider la démarche du juge, le procès équitable rester sa préoccupation.

Une belle démonstration, loin du "tout sécuritaire", et d’une actualité brûlante : aujourd’hui, le rapport du député Eric Ciotti nous montre que punir, réprimer toujours plus durement paraît être la clef d’une société qui voudrait être « débarrassée » de ses fauteurs de troubles. Une illusion dangereuse pour nos libertés, répond Serge Portelli, dans ce livre argumenté.

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 « Juger » de Serge Portelli, aux Editions de l’Atelier, 18 euros

 

 

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30 mai 2011 1 30 /05 /mai /2011 18:49

A l'audience cet après-midi, le président a lu la lettre envoyée par Yvan Colonna à son ancien ami, Pierre Alessandri. En voici de larges extraits traduits du corse par un expert judiciaire.

 

Fresnes, le 19 décembre 2010

Cette lettre je l'ai écrite après la décision de cassation. Je voulais que tu l'aies rapidement mais il y a eu des contretemps et j'ai été obligé de la recommencer.

La voici.

En juin j'ai arraché la cassation. Personne ne l'attendait, personne ne l'espérait enfin nous l'avons eue ! Il te reviendra à toi (toi comme aux autres) de témoigner à nouveau. Quel grand tourment, quel grand supplice, n'est-ce pas ? Je dis ceci parce qu'après le 27 mars et ma condamnation à perpétuité +22 de sûreté je n'ai rien entendu, je n'ai rien lu, je m'attendais à ce que tu fasses une lettre, à ce que tu hurles d'une manière ou d'une autre que j'étais innocent ! mais rien ! rien de rien! et je n'eus pas arraché la cassation peut-être eus-tu été très content ? "Lui" avec 22 ans de sûreté, "lui" considéré comme le bourreau. Il sera le dernier à sortir et moi je pourrai sortir plus vite en conditionnelle. J'y ai pensé et plus que pensé.

(....)

Alors je vais être le plus clair possible. Moi j'ai toujours pris mes responsabilités... Toujours... mais j'ai arrêté pour assumer vos S... à tous. (et peu importe si ce n'est pas toi qui as commencé à balancer ! Rien ni personne ne t'obligeait à dévoiler mon nom ; au contraire toi et la "merde" d'Alain (c'est le pire de vous tous) vous pouviez me mettre hors de cause.

Vous ne l'avez pas fait.

Moi je te considérais comme un ami... mieux un grand frère, un exemple et tu m'as trahi. Tu as trahi 25 ans d'amitié sincère ! je me serais fait hacher pour toi et tu m'as balancé.. tu as balancé ton ami ! N'oublie jamais ceci : ...jamais je ne t'aurais laissé tomber, je ne suis pas un Enculé !

J'ai cru que tu ferais un maximum... Aujourd'hui, il n'y a plus 50 solutions, il n'y en a que deux :

-soit tu fais tout pour me libérer ! (on verra après)

-soit tu continues ainsi avec ta façon de faire ; ni viande ni poisson alors je te le dis sur le mode solennel :

 CE SERA LA GUERRE

La guerre au procès. Il faudra assumer que tu as été une balance ! tu m'as balancé, tu m'as sacrifié. (Je pense même qu'il t'aurait plu qu'ils me tuent dans les premiers temps ou j'étais recherché puisque Marion avait dit à l'époque Mort ou Vif. Je n'ai pas fait la cavale au Club Med).

La cavale que vous avez refusé de faire tous... à commencer par l'ordure d'Alain.

Et

La guerre dehors... il y en aurait eu pour tout le monde... il faut que tu le saches... Tout le monde ! je suis clair !

Prends cela comme tu voies...menaces ? A moi, ça me va! C'est comme ça. Moi j'assume. Je vais vivre avec ça, pour ça, c'est la haine contre les français qui m'a fait tenir !

Si tu choisis cette solution aies le courage de me le faire savoir vite que je puisse me préparer ...

Si tu choisis la première solution il va falloir que tu suives à la lettre tout ce que je te demanderai de faire. Tu me le dois, tu le dois à mon fils, tu le dois à une famille entière. Mais c'est à toi qu'il revient de choisir.

Cela veut dire qu'il faut que tu sois au top

Motivé

Convainquant

Prêt à tout et à faire la reconstitution. Pour le moment, je ne te demande pas de prendre le rôle de celui qui a tué... personne ne te croit..; Il est sans intérêt de développer aujourd'hui. D'abord il faut voir ta réponse.

Tu as bien compris que dans un sens comme dans l'autre il faut que tu sois franc et clair.

Soit c'est tout noir soit c'est tout blanc !

Je recommande de motiver ta femme et les tiens pour qu'ils ne gaffent pas au téléphone, au parloir.

Je te recommande de motiver ta femme qui 10 ans après et après ce qu'elle m'a fait vient pleurer au tribunal de sa peur des autres (pendant qu'elle ne risque plus rien !)

Pour la réponse il faut que tu la donnes au porteur de cette lettre dans les 24 heures.

Ou Oui...ou Non

après celui qui ignore le contenu de cette lettre la brûlera devant toi.

C'est la dernière occasion de te racheter et de n'être pas encore un allié objectif de ceux qui t'ont condamné ! et qui veulent me condamner à tout prix ! A toi de voir.

En fonction de la réponse tu auras un autre message de la part de celui qui te donne cette lettre.

Celui qui te considère comme un ami,

Bastia le 30 mai 2011

Yvan Colonna

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 20:43

 

C’est à l’avocat général Jean-Louis Pérol qu'est revenue cet après-midi la tâche de porter le fer contre Dominique de Villepin, et éventuellement de requérir la condamnation de l’ex-premier ministre pour « complicité par abstention ». Rappelons qu’en première instance, le procureur avait requis 18 mois de prison avec sursis et 45.000 euros d’amende. Mais le tribunal n’avait passuivi cette demande, et Dominique de Villepin avait été relaxé.

000_Par6287610.jpgJean-Louis Pérol

 

Au terme de ce procès en appel, il est donc particulièrement intéressant de savoir si le parquet général maintiendra sa demande de sanction à l’égard de l’ex-premier ministre.

L’avocat général revient donc sur l’infraction reprochée. "La complicité par abstention est une notion juridique qui résulte d’une aide à l’auteur de l’infraction principale en toute connaissance de cause." En termes familiers, cela signifie : « il sert mes intérêts, je le laisse commettre cette infraction. »

Jurisprudence : 4 arrêts de la chambre criminelle sont passés au crible. Dominique de Villepin manifeste son ennui, la tête souvent tournée vers ses avocats ou soutenue par un bras posé sur le banc des avocats.

L’avocat général annonce qu’il va suivre un raisonnement en 3 séquences :  en janvier 2004,  « DDV » (Dominique de Villepin) acquiert la connaissance du contenu de la dénonciation ; en mars, DDV apprend le nom de la source ; et en juillet, DDV a la confirmation qu’il s’agit d’une dénonciation calomnieuse, et ne fait rien pour l’empêcher.

Séquence 1 :  janvier 2004. DDV est ministre des Affaires Etrangères. Rencontre inopinée avec JL Gergorin. DDV aurait reçu une note sur ce système de corruption internationale à la suite de cette conversation. Dénégation de DDV. Le Général Rondot maintient que la note a bien existé. Il la mentionne dans ses verbatim. Le nom de la chambre de compensation Clearstream a donc bien été prononcé. Or en 2002 une commission parlementaire avait investigué et mis en avant l’existence d’une chambre de compensation luxembourgeoise au cœur de la corruption internationale ; un large écho avait été donné au rapport parlementaire. C’était un fait connu. Dès que DDV a connaissance du réseau financier dénoncé par JL Gergorin, il demande une enquête secrète. Le nom de Nicolas Sarkozy a-t-il été prononcé ? DDV le nie. Mais les instructions du Président du République sont évoquées (instructions générales anti-corruption) et la demande d’investigation adressée à Rondot est claire. Enseignements à tirer de cette première séquence : JL Gergorin indique avoir accès a des mouvements financiers occultes dans une banque à la réputation sulfureuse. A cet instant, DDV tient peut-être les prémices d’un scandale.

Séquence 2 : La garde à vue, le 25 mars 2004, d’Imad Lahoud. Ce dernier est trouvé porteur d’une lettre qui le place sous l’autorité du général Rondot. Le commissaire appelle Rondot. Fureur de l’homme du Renseignement qui appelle à son tour JL Gergorin pour lui "passer un savon". Ce dernier prévient son ami ministre. Et on a connaissance d’un appel impromptu de DDV à Rondot. Officiellement pour parler du terrorisme. Mais l’urgence était ailleurs. Faire libérer la source ? Le général Rondot : « Je confirme, Mme la Présidente, qu’il m’a été donné l'instruction de sortir rapidement Imad Lahoud de ce mauvais pas. »

Conclusion : DDV connaît désormais l’identité de la source, il sait que la source fréquente les locaux de garde à vue. Même ministre des Affaires Etrangères, DDV se préoccupe de le faire libérer...

Séquence 3 : le 19 juillet 2004. DDV est ministre de l’Intérieur. Il n’a jamais cessé de voir JL Gergorin. Ce dernier parle d’une dizaine de rencontres, certaines publiques (remise de décoration) d’autres plus discrètes. (Sur son banc DDV fait non, non de la tête !). Il connaît désormais la source, il sait que la dénonciation a été faite auprès d’un juge et par qui. Mais que sait-il de la fausseté des listings ? Le 19 juillet, le général Rondot lui dit clairement qu’il a des doutes. Le 27 juillet, une conversation téléphonique avec le Général précise que les vérifications ont démontré que les comptes n’existaient pas. La DST, saisie, doit donner son avis ; le 29 juillet , une note adressée au ministre nomme le corbeau. Le 22 sept 2004 : note de contact. Jean-Louis Gergorin est formellement identifié. DDV avait jusque là des convictions mais pas de preuve (au sens de l'article 40). Désormais, il en possède, et pourtant deux nouveaux listings parviennent au juge, souligne l'avocat général.

« On voit qu’un processus de dissimulation personnel et secret s’est mis en place dès le mois de janvier. Même le premier ministre, JP Raffarin, n’a pas droit à une information complète début juillet. Le dossier passe du ministère des AE au ministère de l’Intérieur sans que M. Barnier soit informé. Fin juillet, DDV pouvait tout arrêter et demander à Gergorin de cesser son processus de dénonciation calomnieuse. Il ne l’a pas fait. Au contraire, le 19 juillet, les notes de Rondot sont détruites. La stratégie de la dissimulation se poursuit. Le 27 juillet, il continue de voir Gergorin. C’est vrai aussi en septembre, et en octobre. La dissimulation devient intenable fin octobre, elle se transforme en inquiétude. Rondot est convoqué toutes affaires cessantes. C’est la fin de la dénonciation calomnieuse. »

Le Parquet Général s’apprête donc, après cette démonstration, à requérir la condamnation de DDV.

« Comment la Cour pourrait-elle penser que celui qui a prononcé le discours au Nations Unis au moment de l’Irak, que cette intelligence-là ait pu être bernée par M. Lahoud ? Entre Dominique de Villepin et J.L. Gergorin, il y avait une communauté d’intérêt. Avec un cynisme appuyé, le professeur Nimbus suggère que si l’équipe rivale prend le pouvoir au sein d'EADS, elle va alimenter le clan d’en face. Des rétro-commissions qui iraient dans la poche de son ennemi… »

L’avocat général  précise le quantum des peines demandées après avoir souligné la gravité des faits : la dénonciation calomnieuse a mis en danger un des fleurons industriels français, elle a mis a mal le fonctionnement de la démocratie et atteint les victimes dans leur carrière professionnelle et dans leur honneur.

Voici ses réquisitions :

JL Gergorin : 30 mois d’emprisonnement dont 12 fermes et 45.000 euros d’amende.

I.Lahoud : 30 mois d’emprisonnement dont 15 mois fermes et 45.000 euros d’amende.

D. de Villepin : 15 mois avec sursis, pas d’amende.

Dominique de Villepin se lève, exaspéré.

C’est maintenant le temps des plaidoiries de la Défense avant une mise en délibéré et un jugement à l’automne prochain.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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