La préparation de procès Breivik par la justice norvégienne est un modèle du genre. D’abord un site internet très bien chapitré permettait à la fois d’avoir tous les détails pratiques, logistiques mais aussi de comprendre comment allait se dérouler le procès. Ensuite, on pouvait se faire accréditer en remplissant un formulaire assez simple destiné à un badge avec photo.
Sur place, la conception de la circulation des personnes à l’intérieur du tribunal était remarquable. Il fallait faire se croiser les 750 parties civiles, les 150 avocats, les 600 journalistes accrédités ; plus les agents du tribunal, les personnels de sécurité, les juges, les quatre avocats de Breivik toujours sous surveillance…et l’accusé et sa garde policière. Personne en Norvège n’a oublié que Breivik avait acquis une tenue de policier pour faciliter ses déplacements le 22 juillet 2011.Chaque badge portait donc les renseignements qui permettaient à l’agent qui vous contrôlait de savoir qui vous étiez et si vous aviez ou non le droit d’accéder à la zone dont il avait la responsabilité et cela grâce à un petit terminal électronique. Il y avait des zones réservées aux victimes, d’autres aux journalistes et des zones dites mixtes. Là, et là seulement, ceux qui le voulaient pouvaient répondre aux interviews. Des mini-studios de directs étaient installés pour les chaines d’info en continu.
Dans la salle d’audience elle-même des cameras permettaient d'effectuer un travail de réalisation de manière à rendre compte au plus près du déroulement du procès. Plans larges, moyens ou serrés, y compris sur l’accusé.
La justice est publique ; tout doit être vu et montré. Mais et il y a un mais intéressant, le spectacle peut être interrompu quand la Cour l’estime nécessaire. C’est ce qu’il s’est passé hier: la présidente a décidé que l’audience serait à huis clos. Breivik avait demandé à lire 20 pages rédigées en prison et selon lui nécessaires à sa défense. La cour a estimé sans doute qu’il n’était pas utile de faire de la publicité à ses idées. En revanche ces moments étaient tout de même filmés pour l’histoire : des archives qui seront accessibles dans 60 ans.
Sur le plan de la procédure, la justice norvégienne a un fonctionnement intéressant. Lorsqu’un crime est commis c’est la police qui mène l’enquête. Lorsque les investigations sont terminées, le dossier est passé au procureur et à la Défense. Lorsque vient le procès, le juge est un juge arbitre ; il a avec lui un autre juge professionnel et trois jurés issus de la société civile tirés au sort parmi 10.000 noms de citoyens jugés aptes. Le président ne connait pas le dossier avant l’audience.
Le procureur doit apporter la preuve de ses accusations, il doit convaincre que l’accusé est coupable au-delà d’un doute raisonnable. En revanche, l’avocat de la défense n’est pas tenu de prouver l’innocence de son client.L'accusé est présumé innocent. Chacun fait citer les témoins qu’il souhaite.
Toutes ces information me sont apportées par le président du Tribunal d’Oslo , Geir Engebretsen.
Je lui demande enfin comment est -ce qu’on devient juge en Norvège. « C’est une profession ouverte à tous ceux qui ont un diplôme universitaire de droit. On commence par être dans la police ou avocat ou procureur. Puis vers 40 ans on pose sa candidature pour devenir juge et on le reste jusqu’à la fin de sa carrière »me dit ce grand homme un peu sévère. « La question de l’indépendance des juges ne se pose pas ici » termine-t-il anticipant mon ultime question.
En effet ce qui frappe quand on interroge les rescapés d’Utoya qui le plus souvent ont échappé de justesse aux balles du tueur, c’est leur « zenitude ». Tous disent : « I want a fair trial » ce qu’on peut traduire par « je veux un procès équitable ».
La confiance des justiciables norvégiens dans leur système judiciaire est inébranlable ; même vis à vis d'Anders Breivik , le pire criminel que la Norvège ait eu à juger.
c’est une leçon à retenir.