Au palais de justice de Paris, c’était l’heure du jugement plus de six ans après le terrible incendie qui a embrasé un immeuble vétuste du Boulevard Vincent Auriol dans le 13ème arrondissement de la capitale.
Le 26 aout 2005, les pompiers ont retiré des décombres 17 morts dont 14 enfants. Ils dormaient tous au dernier étage. Il faisait chaud en cette nuit d’été. Celui qui a mis le feu là ou étaient entreposées les poussettes a déclenché une gigantesque flamme qui a embrassé la cage d’escalier et qui s’est propagée vers les appartements dont les portes étaient ouvertes. L’incendiaire n’a jamais été retrouvé. Le tribunal ne jugeait que les responsables de l’état des lieux.
Boulevard Vincent Auriol Paris, 26 août
2005
Pourtant le procès a été d’abord le lieu d’expression de la douleur de ces familles. Dans un premier temps le tribunal correctionnel voulait expédier cela en deux demi-journées. Devant le tollé, la justice a pris conscience qu’il fallait respecter les victimes et a donc organisé un procès décent. De ces journées d’audience est sortie une vérité plus complexe qui a permis d’anticiper le jugement d’aujourd’hui. Forcément décevant.
Dans la salle comble les familles d’origine malienne tentaient de comprendre le jugement. L’association qui gérait l’immeuble, proche d’Emmaüs et la société Paris Banlieue Construction (PBC) se sont vu infliger une amende (30.000 euros chacune), et l’obligation de verser 700.000 euros de dommages et intérêts aux parties civiles (plus le remboursement des sommes engagées par l’assurance maladie et le fonds de garantie des victimes).
A la sortie les rescapés racontent exaspérés comment ils ont été relogés du jour au lendemain : « pourquoi on nous a laissé dans cet immeuble avec des rats et sans aucune protection contre le feu. L’argent, l’agent ! mais moi j’ai perdu cinq frères et sœurs ! » dit une jeune femme.
« Nous,à France Euro Habitat (Freha), on avait écrit de très nombreux courriers pour demander qu’on reloge ces familles. On ne nous a pas donné la moindre subvention pour procéder à une réhabilitation décente malgré nos demandes. Ce jugement laisse de coté les vrais responsables : L’Etat, l’administration, les fonctionnaires de la préfecture… » pointe Me Yves Baudelot, l’avocat de l’association Freha.
Bouc émissaire ? Ce n’est pas l’avis de Tappa Kanouté, le porte-parole des familles de victimes : « Ce jugement est un permis de tuer délivré aux gestionnaires d’immeubles insalubres ! C’est un jugement de complaisance. Les amendes sont trop faibles, même pas à la hauteur de ce qu’avait demandé le procureur » lâche t-il. Autour de lui des jeunes gens portaient des T-shirts suggérant qu’il y avait une forme de racisme dans cette manière d’indemniser au rabais le préjudice de ces familles.
Rappelons que l’immeuble était occupé par des familles africaines en situation régulière, ce n’était pas un squat. La plus part des adultes travaillait et les loyers étaient payés.
La décision de faire appel n’est pas encore prise. L’association Freha se donne le temps de la réflexion et va consulter ses assureurs.
Du coté des parties civiles, on sentait tout de même une forme de soulagement. L’épreuve judiciaire terminée, ce sera le temps du deuil et du souvenir.